La question de la souveraineté de notre pays revient à l'ordre du jour. En dépit du non français au referendum de 2005 sur la constitution de M. Giscard d'Estaing pour l'Europe, il est maintenant (juin 2007) question d'un " traité constitutionnel simplifié" proposé par le nouveau Président, M. Sarkosy, dont la ratification serait soumise non plus au peuple français par referendum, mais au Parlement. (M.M.) Extrait d'un texte de Jules Monnerot sur la notion de souveraineté :
LA "LOI NON ECRITE" DE (Revue Monde Nouveau, août-septembre 1956) …La souveraineté d'une Cité, d'une Nation ou d'un Empire c'en est d'abord la non-subordination. L'instance politique qui est l'organe de cette souveraineté, ce par quoi elle s'exprime, se manifeste par une volonté. C'est la volonté de l'Etat, personnifiée dans l'ancienne monarchie par le Roi. Volonté autonome, ce qui, à regarder exactement est un pléonasme, car si elle recevait sa loi d'autres qu'elle-même, elle ne serait pas volonté. Cela est facile à percevoir dans l'ancienne France, personnifiée par le roi "empereur chez lui". La souveraineté est ce par quoi diffère des autres toute "universitas superiorem non recognoscens". Les romanistes du XIVe siècle ont dit là l'essentiel. La souveraineté est
indépendante des formes de l'Etat souverain, et le
"sujet" en change de dimensions
au cours de l'histoire des civilisations : la dimension minima est la
cité, la
dimension maxima l'empire mondial, l'Etat universel. La légitimité consiste dans
le droit
d'exercer la souveraineté. Elle désigne et qualifie le souverain.
L'histoire de
France a connu plusieurs formes de légitimité (1) qui furent toutes
légitimes
dans la mesure où elles étaient, chacune à une époque donnée,
l'expression
authentique de la souveraineté nationale. Monarchique, la légitimité du
pouvoir
dépendait du respect d'une loi successorale que le Parlement de Paris
faisait
au besoin respecter, même aux dépens de la volonté du feu roi, comme il
fut
fait lorsque des dispositions du testament de Louis XIV concernant les
bâtards
légitimés, furent par lui cassées. L'histoire de France a aussi connu
ce qu'il
faut bien appeler, quoique les mots jurent, la légitimité
révolutionnaire : le
gouvernement pour être légitime doit se conformer à une idéologie.
Cette
légitimité convulsive n'a pu s'établir de façon durable, mais il en est
toujours resté quelque chose. La première légitimité a été refoulée par
les révolutionnaires,
la deuxième, la révolutionnaire, n'a jamais réussi à régner sans
partage
puisque après avoir tout détruit en dehors d'elle il est de sa nature
de se
détruire elle-même. Il est une troisième légitimité : elle n'est écrite
nulle
part, elle est la plus vivante de l'histoire de France, car il semble
que les
deux autres, là où elles se sont imposées, ne se fussent pas imposées
sans
elle. Cette troisième légitimité consiste dans ce qu'on pourrait
appeler la loi non écrite de la souveraineté
nationale. Elle est au
niveau du pouvoir constituant, non à
celui des pouvoirs constitués. Elle
est donc transcendante aux constitutions qui jalonnent l'histoire de
France
depuis 1789. Il n'est pas au pouvoir d'une constitution écrite de la
rendre
légitime, il est en son pouvoir de rendre légitimes les constitutions.
Les deux
articles de cette loi fondamentale non écrite sont : l'intégrité du
patrimoine
(donc du territoire) national, et la non- subordination de la volonté
nationale
à une volonté extérieure. Aux termes de cette loi non-écrite, aucun
gouvernement n'a qualité pour démembrer
(1) Dans ce cas, le juriste allemand Jellinek use d'une expression singulière : il parle de volonté physique. (2) A la décharge du gouvernement de Vichy, il faut faire observer qu'il n'avait rien signé de définitif. Mais sa situation, beaucoup plus que son attitude pouvait laisser craindre qu'un état de choses, contraire à la "loi non écrite" de la souveraineté nationale, ne s'ensuivît.
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